Wespe
Ce matin j’ai été dérangé par un fort bourdonnement tout
près de ma tête. J’ai levé les yeux à la recherche de la mouche, mais j’ai
plutôt découvert une guêpe prise entre la fenêtre ouverte et la moustiquaire.
Le fait eut resté sans conséquence (sans l’écriture de ce texte) sans ce
détail : dans ma tête, un mot de cinq lettres s’est automatiquement formé
à la vue de l’insecte et ce n’était pas guêpe, mais bien wespe, le mot
allemand. Je ne parle pas allemand, je n’ai pas d’affection particulière pour
le pays de la bière et de la choucroute, ce n’est pas un de mes projets de
voyage. Alors qu’est-ce qu’un mot allemand vient faire dans ma vie de si bonne
heure un vendredi (le dernier vendredi, le dernier jour à Stoneham avant mon
départ)?
Les androïdes rêvent-ils
de moutons électriques? plus connu sous le nom de Bladerunner est un livre complètement délirant de Philip K. Dick
qui met en scène un chasseur d’androïde nommé Rick Deckard. Celui-ci interroge
dans le cadre d’une enquête une cantatrice (non, elle n’est pas chauve) qui se
dit venir d’Allemagne et lui demande quelle réaction elle aurait si une guêpe
se posait sur son bras. Bien sûr, elle ne comprend pas la question et Rick doit
lui parler de wespen (wespe au pluriel si je ne m’abuse) plutôt que de guêpes.
J’ai ouvert la fenêtre très grande, elle s’est cognée une
bonne minute sur la vitre, puis est partie. Non, elle ne m’a pas remercié, mais
comme c’est moi qui avais ouvert la fenêtre où elle était prise, je ne lui en
tiens pas rigueur, nous sommes quittes, mais ce qui m’énerve, c’est cette
spontanéité avec laquelle j’ai pensé wespe plutôt que guêpe.
Dans le roman de Philip K. Dick, le test Voigt-Kampff est
l’un des derniers pouvant retracer les androïdes qui se font passer pour des
humains. Ce test mesure les signaux nerveux liés à l’empathie, une émotion que
les machines ne peuvent pas ressentir, mais seulement imiter avec toujours un
certain décalage. Le testeur pose des questions et les appareils mesurent
certains influx nerveux chez le suspect.
Ces questions mettent le testé face à son empathie et sa
peur en traitant d’animaux menaçants, tués, mangés, blessés, etc., jusqu’à en
venir à parler de sexualité, puis de bébés humains.
Selon Philip K. Dick, les robots ne peuvent pas ressentir l’empathie,
tout simplement parce que cette notion réduirait leurs chances de survie, comme
une araignée empathique mourrait de faim plutôt que d’occasionner de la
souffrance et de la peur à ses victimes. À l’inverse, l’humanité sans empathie
ne serait pas allée très loin, bien que cette émotion soit à double-tranchant.
D’un côté, en plus de permettre l’alliance humaine face aux forces de la
nature, l’empathie permet à certaines formes d’énergie positive de se répandre
dans une communauté, mais, en contrepartie; toute émotion négative est
susceptible de détruire le moral de l’ensemble d’une population par effet
grégaire.
Tout ça pour une guêpe, et après tout, c’était peut-être une
abeille.
À méditer.
Odin