Fin.
C’est étrange de partir. Je crois que je ne l’ai toujours
pas réalisé. Je vais quitter Stoneham que j’ai aimé, Stoneham que j’ai haï
pour la suite. Je ne connais pas grand-chose de l’extérieur, j’ai passé mes
premières années en ville, il n’en reste que quelques brumes éparses qui ne
sont que les échos de photographies et d’histoires que mes parents ont
peut-être inventées de toutes pièces. Ensuite, ce fut la campagne profonde et les
livres. Surtout les livres. Harry Potter, à peine un an après sa parution française, m’a fait sombrer dans un univers où je m’échappais tant que je le pouvais et bien d'autres sont devenus autant d'exil.
Encore aujourd’hui, je m’échappe par la lecture, le cinéma, la musique et les
jeux vidéo. Dans deux jours, je m’échappe de Stoneham et si je reviens, ce sera
quelques jours, mais y vivre? Je ne crois pas.
Le paysage est magnifique, défiguré par les fils électriques
et la banlieue qui s’y est établie pour sabrer la forêt. Les montagnes que mon
père appelle collines semblent endormies et même la spectaculaire vallée de la Jacques-Cartier
m'apparaît fluide et douce, comme si le vent jouait au piano dans les
feuilles du parc.
De manière plus concrète, j’ai une famille, une maison et je
ne manque de rien. Des amis à gauche et à droite, et des gens que je n’ai pas
forcément envie de croiser aussi loin que porte mon regard.
J’ai aussi une grande bibliothèque.
Mais mon esprit embrumé par le manque de sport et de
stimulation ne met pas l’accent sur le doux paysage, ma famille que j’adore et
ma bibliothèque qui va me manquer, car je vis depuis quelques semaines le
moment où je me lancerai dans le vide. D’un côté, j’ai peu profité de ma
dernière semaine chez moi, mais j’ai fait en sorte de pouvoir partir sans
regarder derrière moi. En fait je dis ça, mais si quelqu’un pleure mon départ, on peut être assuré que je fonds aussi en larmes.
C’est aussi ça l’aventure.
Je pars en quête d’une vie culturelle impossible ici, d’une
synergie qui avant me répugnait et surtout du mouvement. Autrement dit, je me
cherche ailleurs, je pars confronter des limites que je ne connais pas encore,
la faute à la campagne.
Alea jacta est.
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