mardi 16 juillet 2013

11. Je te guetterai

Je te guetterai

Reprise d'un ancien texte que j'avais initialement publié dans le journal étudiant de mon école, je pourrais vous retrouver la date si vous insistez.




D’aussi loin que remontent mes souvenirs, c’est le premier décès dans ma famille, c’est aussi la première fois que je me rends au salon mortuaire.

C’est mon grand-père qui s’occupe de l’oraison funèbre, d’autres viennent dire un mot, dire adieu à une sœur, une mère, grand-mère, tante, grand-tante et dans mon cas, arrière-grand-mère.

Hémorragie cérébrale, ça ne pardonne pas. Elle a été incinérée il y a moins d’une semaine. Autour de ses cendres, nous avons ri, pleuré, parlé. Nous avons même chanté. L’urne où reposent ses restes, c’est ce qui m’a choqué. Son corps tout frêle qui tient à présent dans un cylindre cartonné avec une impression, la photo d’un paysage de chez elle avec un arc-en-ciel.

Le soir même, ses derniers biens sont répartis dans la famille selon ses dernières volontés. Une collection d’assiettes, des cloches, quelques CD, ce qui n’est pas un lègue est mis sur une table, on peut se servir. Je ne prends rien, je perds tout de toute façon. Parmi les quelques objets hétéroclites, une petite pile de livres, elle avait fait le tri quelques mois plus tôt, il ne restait plus que ses préférés. Pas mal d’essais sur le bonheur et L’Alchimiste de Paulo Coelho, ça me fait sourire, ça aussi c’est un livre sur le bonheur. Une belle édition, bien meilleure que la mienne, mais je le laisse à quelqu’un d’autre qui le découvrira peut-être ainsi.
 
Tout ça pour dire que ça m’a remis en tête une des plus belles histoires d’amour que je connaisse. Vous avez peut-être vu le film qui fut un pur flop La boussole d’or? Sinon peut-être avez-vous lu la série À la croisée des mondes, clé de voute de l’œuvre de Philip Pullman?

Quoi qu’il en soit, je vous résume la situation. Dans cette trilogie, une jeune femme venue d’ailleurs aime un jeune homme de notre monde et bientôt, les portes qui traversent tous les univers vont se fermer à jamais. Or, leur périple les a menés jusqu’au royaume des morts et ils savent ce qui arrive après la mort. Les âmes parcourent alors un long chemin vers un dernier portail qui mène à une grande prairie. Les fantômes entrent alors dans ce dernier monde et chaque atome de leur corps ectoplasmique se disperse pour retourner à l’univers et en faire partie.

C’est là que l’histoire d’amour intervient.

« Je te guetterai, (…) à chaque instant, à chaque seconde. Et quand nous nous retrouverons, nous nous serrerons si fort que rien ni personne ne pourra nous séparer. (…) Nous vivrons dans les oiseaux, les fleurs, les libellules, dans les sapins et les nuages, et dans ces minuscules particules de lumière qu’on voit flotter dans les rayons du soleil… Et quand ils utiliseront nos atomes pour fabriquer de nouvelles vies, ils ne pourront pas en prendre qu’un seul, ils seront obligés d’en prendre deux, un de toi et un de moi, tellement nous serons soudés… »

Physiquement impossible, surtout pour un étudiant en physique, mais ça m’a marqué et encore aujourd’hui, ça me touche. Je ne veux pas être prisonnier de ma mort, même symboliquement.

J’ai 18 ans, et je me sens mortel plus que jamais. Que faire face à l’imminence du passage obligé vers la dernière grande aventure? Premièrement, prendre mes précautions : « Maman, si je meurs demain, je veux que tu disperses mes cendres. » Ça, c’est fait. Deuxièmement, oser y réfléchir, prendre conscience de la mort et accepter le fait qu’un jour je ne serai plus, chose que je n’avais plus faite depuis des années et qui m’avait beaucoup rapproché de la vie.

Dans sa Supplique pour être enterré sur la plage de Sète, Brassens voulait être enterré sur une plage près de l’eau plutôt que dans le marbre. Il gît maintenant dans le marbre, mais bien à Sète.

Pauvres rois, pharaons! pauvre Napoléon!
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon
Pauvres cendres de conséquence!
Vous envierez un peu l'éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant
Qui passe sa mort en vacances





Encore mille choses à raconter et juste une vie déjà bien remplie. N'hésitez pas à partager ou laisser un commentaire si ça vous a plu!

Odin

dimanche 7 juillet 2013

10. Retour aux sources

Retour aux sources

Pourquoi est-ce que ce qui est si mauvais pour nous nous semble si bon? Ces réflexes animaux de recherche de gras, de sel et de sucre continuent de dicter notre univers culinaire et parallèlement une bonne partie de notre économie. Pourtant, lorsque je pose un jujube dans ma bouche et se déclenche un tourbillon de bonheur gustatif, j’ai parfaitement conscience que ce que j’avale me rapproche de la tombe (pardonnez l’hyperbole, c’est une licence poétique).

En même temps, on connait bien les dangers du bronzage, de la cigarette, des drogues dures, de Facebook, du gras trans, de l’alcool au volant, etc. Est-ce que ça empêche les salons de bronzage, les junkies, la recherche de reconnaissance sociale, les statuts Facebook de basse classe et McDonald de se perpétrer?

Bien sûr que non, la recherche du plaisir prime. Peu importe sa nature, même s’il vient prendre le dessus sur tout ce que l’humain a de plus beau et de plus vrai. Les techniques ont évolué plus vite que notre capacité naturelle à les assumer. Nous avons la possibilité de ne vivre que de plaisir et de travail simple. Et c’est alors que l’homme a tous les outils pour transcender la nature que celle-ci gagne la partie.

Alors que j’ai la certitude qu’il existe un équilibre entre l’ermite asexué et Dorian Gray, je sens que le message officiel tend vers un monstre de démesure édulcoré pour ne pas effrayer le grand public et toujours confondu avec certaines valeurs généralement admises avec un manque flagrant de sincérité. Je m’égard, j’ai beau tout exposer, rassembler les preuves serait un jeu d’enfant, les analyser est l’histoire d’une vie. Je vais me contenter d’astrophysique pour l’instant.

Je dis ça, en fait, parce que là où je suis, les maîtres des lieux gardent la télévision allumée presque en permanence et que malgré mon isolement dans ces moments, je suis témoin de cette image projetée et que je n’aime pas ça. Ça me rend un peu malade en fait.

Je préfère le silence d’une bibliothèque au babillage incessant de V et TVA… Pas plus tard que ce matin, j’ai parlé avec un des gardiens de sécurité du planétarium. Il m’a dit que tout ce qu’on présentait au planétarium l’impressionnait beaucoup, mais qu’il n’aimait pas vraiment les nouvelles technologies. Il a dit qu’il aurait préféré vivre à une époque plus noble et où la vitesse n’était pas au centre de tout.

Je ne suis pas d’accord sur un point, car j’espère. Je crois qu’une « noblesse technologique » peut exister et je souhaite vivement que la vitesse devienne le propre de la machine pour qu’on considère la paresse et la contemplation comme une richesse nationale et humaine.

Utopiste plutôt que défaitiste.

N'hésitez pas à commenter et partager si le coeur vous dit, je continue de répondre quand je le peux.

Odin